La liberté intérieure

La liberté intérieure    2013-07-30 15.39.53
En ayant recours à la psychologie pour décrire les comportements et en tentant de donner une explication psychologique des traits distinctifs du prisonnier des camps de concentration, j’ai peut-être donné l’impression que l’être humain est entièrement et inéluctablement influencé par son milieu. Le milieu étant, dans les camps, une structure rigide obligeant les prisonniers à se conformer à un mode de vie bien déterminé. Mais qu’en était-il de la liberté humaine? Les réactions, la façon d’agir d’une personne sont-elles nécessairement dépourvues de toute liberté d’esprit, quel que soit le milieu dans lequel on vit ? Peut-on vraiment affirmer qu’une personne n’est rien de plus que le résultat de certains facteurs biologiques, psychologiques ou sociologiques ? Qu’il n’est que le produit accidentel de ces facteurs ? Le comportement des prisonniers qui se sont trouvés enfermés dans un monde aussi exceptionnel que celui des camps de concentration prouve-t-il, hors de tout doute, que l’être humain ne peut échapper à l’influence de son environnement ? Dans de telles circonstances, l’humain n’avait-il aucune possibilité de choisir ?

On peut répondre à ces questions en s’appuyant autant sur des faits vécus que sur des théories. Les conclusions tirées des expériences vécues dans les camps de concentration prouvent en effet que l’être humain peut choisir. On pourrait citer de nombreux comportements, souvent de nature héroïque, qui démontrent que le prisonnier pouvait surmonter son indifférence et contenir sa colère. Même si on la brutalise physiquement et moralement, la personne peut préserver une partie de sa liberté et de son indépendance d’esprit.

Ceux qui ont vécu dans les camps se souviennent de ces prisonniers qui allaient, de baraque en baraque, consoler leurs semblables, leur offrant les derniers morceaux de pain qui leur restaient. Même s’il s’agit de cas rares, ceux-ci nous apportent la preuve qu’on peut tout enlever à une personne excepté une chose, la dernière des libertés humaines : celle de décider de sa conduite, quelles que soient les circonstances dans lesquelles elle se trouve.

Et nous avions constamment à choisir. Il nous fallait prendre des décisions sans arrêt, des décisions qui déterminaient si nous allions nous soumettre ou non à des autorités qui menaçaient de supprimer notre individualité et notre liberté d’esprit, qui déterminaient si nous allions devenir ou non le jouet des circonstances et renoncer ou non à notre liberté et à notre dignité pour devenir le prisonnier «idéal».
De ce point de vue, les réactions psychologiques du prisonnier du camp de concentration ne sont pas uniquement l’expression de certains facteurs physiques et sociologiques. Même si des conditions telles que le manque de sommeil, une alimentation inadéquate et plusieurs formes de tension psychologique peuvent laisser entendre qu’il était inévitable qu’il se laisse aller à certains comportements regrettables, il est clair, en dernière analyse, que ce que devenait le prisonnier était le résultat d’une décision intérieure et non celui des circonstances auxquelles il était soumis. Toute personne peut, même dans des circonstances particulièrement pénibles, choisir ce qu’elle deviendra, moralement et spirituellement.

V.Frankl Découvrir un sens à sa vie (Ed de l’homme 2006, p.72sq)

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