Pas d’avenir, pas de vie
Le prisonnier qui ne croyait plus à l’avenir, son avenir, était perdu. En perdant cette foi, il perdait sa spiritualité; il se laissait dépérir moralement et physiquement. D’ordinaire, cela se produisait assez subitement, lors d’une crise, et les prisonniers aguerris en reconnaissaient facilement les signes. Nous vivions tous dans la crainte de ce moment, pas pour nous, ce qui n’aurait servi à rien, mais pour nos amis. En général, cela commençait un matin lorsque le prisonnier refusait de s’habiller, de se laver, ou de rejoindre le terrain de manœuvres. Les supplications, les coups, les menaces ne faisaient aucun effet. Il restait tout simplement couché, sans bouger. Si cette crise était due à une maladie quelconque, il refusait de réagir, de lutter; il ne voulait pas qu’on l’emmène à l’infirmerie. Il abandonnait, tout simplement. Il restait là, baignant dans ses excréments, et plus rien ne le dérangeait.
(…)
Il fallait que nous changions du tout au tout notre attitude à l’égard de la vie. Il fallait que nous apprenions par nous-mêmes et, de plus, il fallait que nous montrions à ceux qui étaient en proie au désespoir que l’important n’était pas ce que nous attendions de la vie, mais ce que nous ap portions à la vie. Au lieu de se demander si la vie avait un sens, il fallait s’imaginer que c’était à nous de donner un sens à la vie à chaque jour et à chaque heure. Nous devions le réaliser non par des mots et des méditations, mais par de bonnes actions, une bonne conduite. Notre responsabilité dans la vie consiste à trouver les bonnes réponses aux problèmes qu’elle nous pose et à nous acquitter honnêtement des tâches qu’elle nous assigne.
V.Frankl Découvrir un sens à sa vie (Ed de l’homme 2006, p.81)